Entre chien et loup



Si nous sommes aujourd’hui tous urbains, nous ne sommes pas tous citadins.
Les villes sont beaucoup plus grandes qu’elles mêmes.

L’opposition ville/campagne disparait et si les villes en s’étendant créent un espace urbain qui nous englobe et nous unifie, elles morcellent d’autres territoires, en particulier celui des animaux sauvages qui ne retrouvent plus l’unité de leur géographie.
C’est pourquoi, de plus en plus souvent, ces animaux déambulent dans les villes.

Mais tous ces animaux ne se perdent pas.

Si des bêtes sauvages traversent les villes la nuit, cʼest qu'elles nous ont observés pour savoir quand et par où passer.
Elles nous ont bien plus regardés pour se frayer des passages dans nos mondes que ce que nous savons communément dʼelles.
Ce que nous savons d’elles, on le trouve dans les contes, dans notre assiette ou dans les zoos.
Quant aux chasseurs, s’ils les connaissent ce n’est pas pour elles-mêmes mais pour les traquer et les tuer.

D’autre part, en ré-inventant la « nature » dans les villes (coulée verte à Paris par exemple) et en refusant l’utilisation des pesticides et herbicides chimiques dans les jardins et squares publics, une population de petits animaux réapparait et à leur suite leurs prédateurs.

Comment dire que les animaux nous regardent ?

Nous avons été habitués à caractériser “lʼanimal” en le privant des qualités qui définissent “lʼhumain”.
Ainsi dans le miroir que nous tendons aux bêtes ne se reflète que lʼimage des hommes.
Elles ne sont plus que des êtres aveugles et muets.

“Entre chien et loup” tente de restituer le regard que les animaux portent sur nous en les ré-introduisant, naturalisés, dans des cadres ruraux puis urbains.

Dans ces scènes nocturnes, théâtralisées par la lumière des éclairages publics, les animaux sont installés dans des poses naturelles et stylisées, ménageant une passerelle entre mort et vivant.
Il sʼagit également de faire communiquer avec ambiguité les univers des bêtes et ceux des hommes.
Peut-être s’agit-il aussi d’une vision du futur : quand l’humanité aura disparu, et que les centrales nucléaires continueront à éclairer les villes vides, les animaux et les végétaux ré-investiront dans le silence qui est le leur les lieux désertés.

Cette série a été envisagée en réponse, comme un dialogue, aux travaux photographiques exposés au Musée de la chasse et de la nature, de Éric Poitevin (Du 6 février au 30 juin 2007) et de Karen Knoor (Fables 15 janv.-11 mai 2008).